C’est le 13 février 1949 à minuit, que les 2 000 mineurs de la Canadian Johns-Manville, à Asbestos, déclenchent une grève spontanée. Peu de temps après, 3 000 autres mineurs de Thetford Mines leur emboîtent le pas. Ce conflit, qui oppose les mineurs affiliés à la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) à trois entreprises minières, devient rapidement une cause pour les éléments progressistes de la société québécoise. La presse en parle abondamment et la CTCC y mobilise beaucoup de fonds avant que le règlement ne survienne au mois de juillet.
La grève de l’amiante à Asbestos et Thetford Mines est un symbole pour le mouvement syndical et un moment important dans l’histoire sociale du Québec. À cette époque, le gouvernement unioniste de Maurice Duplessis est peu favorable aux revendications du mouvement syndical. L’organisme chargé de régler les conflits de travail, la Commission des relations ouvrières, est souvent accusé de rendre des décisions partiales en faveur du patronat. Aussi, la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC), à laquelle appartiennent les syndicats en cause, prône une remise en question des relations de travail. Affirmant que l’entreprise possède une nature sociale et non seulement économique, les syndicats veulent obtenir un droit de regard dans la gestion de celle-ci. Les compagnies sont farouchement opposées à cette idée en vertu du «droit de propriété». En plus de réclamer un droit de regard dans la gestion, les syndicats réclament une augmentation de 15 cents l’heure, l’élimination de la poussière d’amiante et la retenue à la source des cotisations syndicales. La Canadian Johns-Manville propose 5 cents d’augmentation mais refuse de percevoir les cotisations syndicales à la source et ne veut pas accorder un rôle au syndicat dans la gestion interne de l’entreprise. La négociation piétine. Un conciliateur est nommé mais il s’avère incapable de rapprocher les parties. Les ouvriers déclenchent alors la grève. Cette procédure étant contraire à la loi, elle permet à la Commission des relations ouvrières de retirer son accrédition au syndicat. Vu l’illégalité de la grève, la compagnie décide alors d’embaucher des briseurs de grève, ce qui entraîne une réaction des ouvriers qui entendent faire respecter leurs lignes de piquetage. La tension grimpe et la compagnie réclame une injonction et la présence de la Police provinciale pour la faire respecter. Le premier ministre Maurice Duplessis s’offre comme médiateur à la condition que les grévistes retournent au travail. Le conflit s’éternise alors de février à juillet et denombreux actes de violence éclatent. Cette grève donne également lieu à un mouvement de générosité et de solidarité à travers la province. L’évêque de Montréal, Mgr Joseph Charbonneau , organise des quêtes dans les églises de Montréal pour envoyer des vivres aux grévistes d’Asbestos et de Thetford Mines. Le conflit se dénoue en partie grâce à la médiation de l’évêque de Québec, Mgr Maurice Roy , qui permet la conclusion d’une entente. L’employeur reconnaît le syndicat et réengage les grévistes selon l’ancienneté, mais les briseurs de grève conservent leur emploi. Une augmentation de 10 cents l’heure est accordée avec une formule d’indexation et la retenue des cotisations syndicales à la source est approuvée. Cependant, la compagnie n’est pas tenue d’éliminer la poussière d’amiante. Les effets bénéfiques se feront sentir à long terme car les prochaines conventions collectives seront parmi les plus généreuses de l’industrie minière. Finalement, René Rocque, membre du CTCC et organisateur de la grève, fera un séjour en prison en 1951 pour avoir participé à la grève de l’amiante.

En référence: Jacques Rouillard, Histoire du syndicalisme québécois, Montréal, Boréal, 1989, p.278-282.
En complément: Pierre Elliot Trudeau, La grève de l’amiante, Montréal, Cité libre, 1956, 430 p. Guy Ferland et al.., Album-souvenir 1921-1996, [S.l.], CSN, 1996, p.20-21. Lewis H. Brown, A Report on the Strike at Asbestos, Quebec, s.l., s.n., 1949, 18 p. Alfred Charpentier, Montée triomphante de la C.T.C.C., historique de la Confédération des travailleurs catholiques du Canada inc. de 1921 à 1951, Montréal, s.n., 1951, 123 p. Simon Lapointe, L’influence de la gauche catholique française sur l’idéologie de la CTCC-CSN de 1948 à 1964 : syndicalisme, Montréal, S.Lapointe, 1996, 115 p
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